Le triangle mégalopolitain mondial Carte de l'archipel mégalopolitain mondial
|
Les villes mondiales sont directement issues des caractéristiques spatiales de l'économie mondiale moderne, apparue au cours des vingt-cinq dernières années. L'évolution de celle-ci, structurelle et très rapide, a bien évidemment profondément modifié le paysage urbain, censé être intégré à un processus économique en pleine évolution. Les villes globales sont donc les émanations visibles d'un système économique planétaire remanié, organisé autour de trois principaux pôles, et l'on aboutit à un monde polycentrique et métropolisé. Alors que le processus de production et d'échanges, fondement de l'économie traditionnelle, se dispersait sur l'ensemble de la planète, elles ont répondu au besoin de centralisation, essentielle au fonctionnement et à l'efficacité du processus de décision, et ont développé ces fonctions de commandement nécessaires à la nouvelle donne économique mondiale. En effet, la décentralisation des lieux de production a obligé les producteurs transnationaux, confrontés à la complexité et à la densité croissantes des transactions, à se doter d'une direction, d'une coordination et d'une planification centralisées qui leur ont permis de s'adapter au marché et d'en comprendre les nouveaux ressorts. Il est nécessaire de souligner le rôle joué par les FMN - qui ont généralement leur siège social localisé dans une ville mondiale - dans le processus de décision. La présence de la partie émergée seule visible de l'iceberg que sont les FMN a donc accentué l'interdépendance économique des villes mondiales (en ce qui concerne la centralisation des décisions) en agissant comme un étendard et en ralliant autour d'elles sous-traitants et partenaires économiques. Une complémentarité s'est ainsi tissée, croissante au fil des années entre les différentes villes mondiales, et en a perpétué l'existence, au moyen par exemple des échanges entre marchés financiers (bourses) ou encore des infrastructures de transport reliées entre elles (aéroports internationaux). Cette complémentarité est également une cause du renouvellement des fonctions de décision des villes mondiales en introduisant une dynamique, qui se romprait sans de tels liens. Bien entendu, les villes mondiales ont conservé une dynamique de développement interne à laquelle elles demeurent soumises : elles constituent depuis des décennies de gigantesques marchés à demande très élevée en raison du nombre de consommateurs, et de ce fait attirent les biens et services, donc, dans une certaine mesure, une bonne partie de la chaîne de production (producteurs, sous-traitants). On notera toutefois un paradoxe important particulièrement mis en relief ces dernières années : si la constitution des autoroutes de l'information a semblé favoriser la dispersion, et si cela s'est globalement vérifié, cela a aussi considérablement augmenté la nécessité de concentrer les fonctions de commande menacées de dislocation. Dès lors, si les progrès des télécommunications permettent une dispersion maximale des ressources et des personnes, la nécessité de centraliser les fonctions de décision s'est imposée. L'acquisition du statut de ville globale obéit à une logique d'agglomération des services valorisant le temps gagné dans la décision, la centralité des ressources et les gains réalisés par les économies d 'échelle. Cette concentration du pouvoir décisionnel est caractéristique de la mégalopolisation. L'importance de la relation entre services et économie mondiale contemporaine explique l'envergure prise par ces quelques métropoles. Cette importance est sans aucun doute née pour une part de l'essor d'une économie de services essentiellement localisés dans les zones urbaines au détriment d 'une économie anciennement industrielle qui a besoin de la proximité des ressources plus que des débouchés. Des sites de production de services sophistiqués sont indispensables au bon fonctionnement des commandes de l'économie mondiale. L'environnement urbain est lui aussi indispensable au processus de production du fait de la proximité des prestataires de services spécialisés (conseillers juridiques, cabinets d 'experts, analystes financiers) et des facteurs de production (main d'œuvre, capitaux). Il existe de plus un lien fort entre lieu et production en ce qui concerne le mode de travail et donc la productivité. Avec une ingérence ainsi acquise dans le processus de décision économique, les villes mondiales sont devenues primordiales dans le cycle économique, jusqu'à acquérir une emprise hégémonique sur le système. Les périphéries forment par contraste un océan qui entoure cet archipel mégapolitain mondial. Pour conclure, l'archipel mégalopolitain constitue un réseau mondial composé de mégapoles éparpillées. La mondialisation a multiplié les interconnexions entre elles, à tel point qu'aujourd'hui, c'est un vaste système qui anime l'économie mondiale. Toutefois, cantonner l'archipel mégalopolitain aux trois pôles de la Triade revient à accepter le modèle centre-périphérie, qui rend imparfaitement compte de la dynamique géo-économique mondiale. Le sud possède des régions dynamiques (en Extrême Orient, le nombre de pauvres a chuté de 35% entre 1985 et 1995). Il existe donc des périphéries qui peuvent être intégrées à cet archipel. Certaines participent aux activités du centre par les investissements reçus, les flux d'échanges et le développement assuré. C'est par exemple le cas de certaines des grandes villes des NPI (HongKong et Singapour), du Mexique et de la Chine. |